Dans un contexte économique des plus tendus avec des prix de plus en plus élevés, l’achat d’un bien immobilier lorsqu’on est plus jeune peut s’avérer très difficile. C’est pourquoi, à l’heure actuelle, certains jeunes adultes achètent avec leurs parents. En effet, selon une étude de l'Institut national d'études démographiques (Ined), près de 40 % des primo-accédants de moins de 45 ans ont bénéficié d'une aide financière de leur famille lors de l'achat de leur logement. Dans cet article, vous comprendrez les opportunités, mais aussi les précautions à prendre avant d’acheter avec un parent.
Pourquoi acheter avec un parent ?
Acheter un bien avec un parent peut répondre à plusieurs besoins concrets. Dans un premier temps, ça va augmenter votre capacité d’achat en vous permettant de réunir un ou deux revenus supplémentaires. De cette manière, l’enfant peut viser un bien plus grand, mieux situé ou de meilleure qualité.
Second besoin, pour un jeune qui étudie dans une grande ville, co-acheter un studio à l’aide de ses parents peut être plus rentable sur le long terme et donc vous éviter la location étudiante coûteuse.
Cela vous permet également d'anticiper une transmission de patrimoine. Certains parents préfèrent investir dans un logement avec leur enfant plutôt que de faire une donation classique.
Un autre avantage rentre en ligne de compte. Il s’agit de la complémentarité générationnelle. Le parent apporte souvent son expérience, sa stabilité financière, et peut encadrer un projet qui reste nouveau pour un jeune adulte.
Choisir le bon montage juridique
L’indivision : la simplicité, non sans risques
L’indivision est le cadre juridique par défaut lorsque deux personnes achètent ensemble un bien sans créer de structure particulière. Chaque partie est propriétaire de ce qu’on appelle une quote-part du bien, proportionnelle à son apport. Cela procure différents avantages comme la simplicité, mais également le fait qu’il n’y ait pas besoin de créer une entité.
Cependant, des inconvénients importants existent au niveau de l’indivision. Par exemple, ça requiert des décisions à l’unanimité sur différents aspects comme la vente, les travaux ou encore la location. En cas de désaccord, il peut y avoir différents blocages possibles. Et dans un cadre plus extrême comme un décès, il peut y avoir d’importantes complications.
Afin d’éviter une bonne partie de ces problèmes, on vous recommande de rédiger un pacte d’indivision précisant les règles de gestion du bien.
La SCI familiale : plus souple, mais plus lourde
En créant une Société Civile Immobilière (SCI), vous vous offrez une option plus protectrice. Grâce à cette SCI, cela vous permet de détenir un bien via des parts sociales réparties entre les coacquéreurs.
La création d’une SCI comporte des avantages importants comme le fonctionnement encadré au niveau de la gérance ou des règles de vote par exemple. Il y a également une facilité de transmission, notamment dans un cas de donation de parts. Une SCI permet également une meilleure protection en cas de succession ou de mésentente.
Mais cela a aussi des inconvénients, notamment au niveau des démarches administratives qui engendrent des coûts incompressibles, dès le départ.
Il y a par exemple la rédaction des statuts. Pour éviter toute erreur, il est fortement conseillé de faire appel à un notaire ou un avocat, avec des honoraires qui varient généralement de 500 à 2000 euros selon la complexité. Autre démarche administrative prépondérante, les frais d’immatriculation. Par exemple, si vous souhaitez publier une annonce légale dans un journal habilité, cela va vous coûter entre 150 à 200 euros. Pour une immatriculation au registre du Commerce et des Sociétés, on est aux alentours de 70 euros. Faire tenir la comptabilité par un expert-comptable est recommandée pour s’assurer une gestion rigoureuse, notamment en cas de location du bien ou d’activité générant des revenus. L’expert-comptable peut vous facturer ses prestations entre 500 et 1500 euros par an en fonction de vos prestations. Un dernier aspect rentre en considération, les assemblées générales. En effet, chaque année, les associés doivent se réunir en AG pour approuver les comptes et prendre les décisions importantes. Même en famille, cela suppose de respecter certaines formalités comme une convocation ou un procès-verbal.
Ces démarches peuvent sembler contraignantes, surtout pour un projet familial modeste, mais elles permettent d’éviter bien des conflits à long terme.
Une fiscalité plus technique selon les situations
La SCI ne bénéficie pas du régime fiscal avantageux de la résidence principale. Elle est soumise par défaut à l’impôt sur le revenu (IR), mais peut aussi opter pour l’impôt sur les sociétés (IS), avec des conséquences importantes.
SCI à l’IR (impôt sur le revenu)
Les revenus locatifs sont imposés entre les mains des associés, selon leur part dans la société.
Pas de double imposition, mais les associés peuvent se retrouver lourdement fiscalisés s’ils sont dans une tranche d’imposition élevée.
Les plus-values à la revente bénéficient du régime classique, avec abattement progressif après 5 ans, exonération totale au bout de 22 ans (hors prélèvements sociaux).
SCI à l’IS (impôt sur les sociétés)
L’imposition se fait au niveau de la société, avec un taux réduit sur les premiers 42 500 € de bénéfice, puis au taux normal.
Possibilité d’amortir le bien comptablement (réduisant les bénéfices imposables), ce qui peut être avantageux à court terme.
Mais la plus-value à la revente est calculée différemment (sur la base de la valeur nette comptable), ce qui peut engendrer une imposition bien plus lourde à la sortie.
Une SCI ne permet pas de bénéficier du prêt à taux zéro (PTZ) ni de certains avantages réservés aux particuliers. Elle n’est pas adaptée à une résidence principale occupée par un seul des coacquéreurs : cela peut être requalifié par l’administration en abus de droit si la SCI est utilisée uniquement pour éviter l’indivision.
Clarifier les contributions de chacun
Acheter un bien immobilier avec un parent implique de définir très clairement les apports de chacun. Qui finance l’apport initial ? Est-ce un don, un prêt familial, ou un achat à parts égales ? Cette première étape conditionne la répartition de la propriété.
Ensuite, si un crédit immobilier est contracté ensemble, il faut s’entendre sur le remboursement des mensualités : montant, durée, compte débité… Cela peut sembler secondaire au départ, mais des désaccords peuvent vite apparaître. Les charges courantes, impôts fonciers, travaux ou frais imprévus doivent aussi être répartis à l’avance : selon les parts de chacun, ou selon l’usage du bien. Même entre proches, il est essentiel de tout consigner par écrit, idéalement dans un acte notarié ou un pacte d’indivision. Cela permet de prévenir les malentendus, de clarifier les attentes et de protéger chacun juridiquement.
Anticiper les aléas de la vie
Acheter ensemble, c’est aussi envisager les éventuels coups durs. Que se passe-t-il si l’un des deux co-acquéreurs décède ou souhaite se retirer du projet ? Dans le cas du décès du parent, l’enfant risque de se retrouver en indivision avec les autres héritiers (frères, sœurs…), sauf clause spécifique ou donation préalable. Il peut alors être contraint de vendre le bien ou de racheter les parts, ce qui peut s’avérer financièrement difficile.
Les droits de succession, bien qu’allégés entre parents et enfants, peuvent aussi peser sur le projet si rien n’a été anticipé. C’est pourquoi le recours à un notaire est essentiel. Il peut aider à rédiger un acte d’achat clair, à insérer des clauses protectrices (clause de rachat préférentiel, clause d’agrément dans une SCI, etc.), voire à proposer un pacte d’indivision temporaire, évitant toute vente forcée pendant plusieurs années. Un bon encadrement juridique permet de protéger les intérêts de chacun et d’assurer la continuité du projet même en cas d’imprévu.
Préparer l’après : succession et fiscalité
Au-delà de l’achat, acheter avec un parent permet parfois de préparer une transmission de patrimoine dans un cadre anticipé et structuré. Cela peut éviter des tensions à la succession, à condition de bien penser la fiscalité.
Plusieurs outils existent : la donation (en numéraire ou de parts de SCI), le démembrement de propriété (parent usufruitier, enfant nu-propriétaire), ou encore la donation-partage si plusieurs enfants sont concernés. Ces montages permettent de réduire les droits de succession tout en gardant un certain contrôle sur le bien.
Attention aux résidences secondaires ou aux biens locatifs, qui peuvent être plus lourdement taxés. Il faut aussi anticiper l’impact d’une éventuelle revente sur la fiscalité des plus-values.
Un bon accompagnement (notaire, conseiller en gestion de patrimoine) permet de faire les bons choix en fonction du projet familial et de la stratégie à long terme.
Acheter avec un parent peut être une formidable opportunité, à condition d’être bien préparé. Ce projet familial doit s’accompagner de rigueur, de transparence et d’anticipation. Il est fortement conseillé de se faire accompagner par des professionnels : notaire, avocat, ou conseiller en gestion de patrimoine, pour poser les bonnes bases et éviter les mauvaises surprises. Un cadre juridique solide, des règles claires et une bonne communication permettront de préserver les liens familiaux autant que le patrimoine. Mieux vaut tout prévoir en amont que réparer les erreurs après coup.